igmarette22

Dimanche 24 juin 2012 à 20:11

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Fraîchement remerciée de mon poste d’assistante commerciale, que j’occupe depuis 8 ans dans une grande entreprise de la région, me voilà, écœurée, desespérée, en colère, mais bien entendu et surtout, « demandeuse d’emploi » !
Je n'ai pas l'envie de reprendre l'exercice de ma profession d'aide-soignante dans l'immédiat, je souhaite le faire "par choix", et non "par obligation".
Mes dernières expériences dans ce contexte m'ont minées, et depuis plus de 10 ans, j'excerce le métier d'assistante commerciale, redevenir "soignante" serait compliqué dans l'immédiat.

 
Longtemps attirée par les métiers liés à la mort, si l’on peut le dire ainsi,
J’aimerais avoir la possibilité de faire un stage dans une entreprise de pompes funèbres afin de savoir si j’ai l’envergure, le potientiel, et les qualités requises pour excercer auprès des défunts, et des familles endeuillées.
 
Je me suis renseignée, et effectué plusieurs bilans de compétences,
Le métier d’assistante funéraire me conviendrait parfaitement, de nature, discrète, et ouverte à la fois, très à l’aise quand il faut réconforter et écouter, je sais que ce métier également à profil commercial me plairait, et j’ai envie de le découvrir sur le terrain.
 
J’ai également, au détour des pages WEB, découvert, le métier de Thanatopracteur,
Qui, lui, requiert une année de formation, je décide d’en découvrir plus avant de tenter ma chance, car les écoles ne sont pas du tout situées dans ma région, et cela demandera un sacrifice financier important, entre le logement et le coût de la formation.
 
Dans mon malheur, nous avons eu deux décès très proches dans la famille, mon papa en 2005 et ma sœur en 2006. Je décide donc de demander à l’entreprise de pompes funèbres qui s’est occupée de leurs funérailles respectives de me prendre en stage pendant 3 semaines.
 
Marc et Pierre me reçoivent avec chaleur et me donnent rendez vous le lendemain à 07h.
Marc me fait visiter l’endroit qui a été complètement restauré, c’est magnifique, reposant et une ambiance zen en découle. Les couleurs murales sont douces, une fontaine a été mise dans la salle des familles, c’est vraiment très beau. Tout a été décoré avec goût, les tableaux, les canapés……

Ils disposent de 9 chambres funéraires, ou salons, chacun est décoré de manière différente,
Soft dans tous les cas.
Elles disposent de deux portes. Une sert à la famille, et l’autre au personnel de l’établissement uniquement pour le transport du corps, l’entrée du cercueil, la préparation du salon etc….
Cette porte donne accès à la salle de thanatopraxie, et d’habillage du défunt, aux cercueil que la famille a choisi, aux différents linges, tels que les capitons, croix, recueils de condoléances, draps blancs.
Le garage, enfin, jouxte ces pièces, deux véhicules et deux utilitaires y sont garés.
 
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Je suis dans l'antichambre de la mort….
 
 
Demain j’ai rendez-vous avec Pierre à 07h00, c’est lui qui va me faire voir travail de « terrain ».
 

J’angoisse un peu, mais c’est mon choix, je dois donc assurer moralement !

Je dois surtout réussir à faire abstraction de mon passé, et peut-être, réussir, ce que je souhaite au plus profond de mon être, à faire le deuil de ces deux être chers, disparus bien trop tôt, et dont je rêve chaque nuit depuis si longtemps.....

Je ne souhaite pas "banaliser" la mort, mais simplement essayer de l'apprivoiser......





Dimanche 24 juin 2012 à 20:10

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Je vous engage, si vous avez la possibilité, de regarder cette série,


http://igmarette22.cowblog.fr/images/thanatopraxie3-copie-3.jpgMais, avant tout, je dois vous expliquer ce qu’est la thanatopraxie ou «formolisation », tout en restant profane afin de vous livrer simplement mon ressenti et mon regard extérieur par la suite.
 
Quand un défunt arrive dans un établissement, le froid ou des procédés chimiques assure la conservation du corps dans l'attente de la mise en cercueil.
A la technique de préservation temporaire et adaptée de la personne défunte viennent s'ajouter l'habillage puis les soins cosmétiques (manucure, maquillage et coiffure.
Dans tous les cas il s'agit de limiter provisoirement le processus naturel de putréfaction qui se met en œuvre dès la mort.

Ceci permet aux proches :
  • de veiller un corps aseptisé (environ 90 % de germes en moins) diminuant par-là les risques sanitaires ;
  • un deuil facilité par l'image du mort que la thanatopraxie reconditionne voire recrée, ne serait-ce qu'à l'aide d'artifices, elle facilite considérablement le travail de deuil (ces injections formolées ne sont pas et ne remplacent pas le maquillage, la coiffure et l'habillage)
  • une mise en attente du corps (en cas de manque d'officiant religieux, en raison d'attentes plus longues aux crématoriums, ou enfin pour la conservation d'un cadavre devant être transporté vers un pays lointain (contrainte légale).
Durant ce stage, je serai avec une jeune femme, prenant la suite de son père, et visiblement passionnée par son métier, je l’appellerai « Lucie ».
 
 
Pierre et moi avons donc pris en charge cette maman décédée à son domicile dans la nuit.
Nous sortons le brancard à notre arrivée, et Pierre le dirige vers la salle de soins, où nous attend déjà la thanatopractrice, Lucie.
Salutations effectuées, cette jeune femme est à l’inverse de l’image que je me faisais d’une personne exerçant cette profession.

Comment, en effet, décrire Lucie. ?

Elle est grande, svelte, naturellement belle je dirais. Ses longs cheveux blonds noués en une simple queue de cheval, des yeux bleus qui vous regardent avec franchise, la sympathie qui émane de sa personne me pousse humainement vers elle.

Je pensais tomber sur un homme froid, sec, âgé, et me voilà en face d’une jeune femme qui pourrait tout aussi bien exercer le métier de mannequin !

C’est fou les idées reçues que l’on se fait de certaines professions…..

 

Dimanche 24 juin 2012 à 20:01

Lucie m’accueille donc dans la salle avec une grande poignée de mains, un sourire éclatant, le tout accompagné d’un clin de d’œil complice.

Avec l’aide de Pierre, Madame Y est posée avec douceur sur la table d’examen, celle-ci ressemble à celles que j’ai aperçues dans les salles d’autopsies des hôpitaux.

Lucie commence à déshabiller la défunte, avec des gestes rapides et efficaces, Pierre lance la conversation sur le film de la veille, cette ambiance semble si « ordinaire » que c’est déroutant pour une néophyte comme moi ! Finalement, Pierre nous annonce qu’il s’occuper de la chambre funéraire et faire divers papiers pendant que je regarde le soin de conservation.
 

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Lucie commence par me décrire les instruments qu’elle enlève de sa mallette et qui vont lui servir pour ce soin, tels que des scalpels, crochets, séparateur, pinces à mécher, ciseaux, pinces à clamper, pinces serre-tubes, aiguilles courbes, fil..., certains me sont familiers, d’autres, pas du tout. Ces derniers sont disposés sur une tablette. Elle va également utiliser un bocal d’injection avec une pompe électrique et un bocal de ponction.

Tout le matériel étant disposé, elle commence à effectuer des tractions et des massages sur le corps de la défunte ceci, m’explique t-elle, afin d’abaisser la rigidité des membres.
Pour le moment, rien ne m’effraie dans ses actes, malgré tout, l’ambiance est étrange, je sens vaguement, comme une odeur de mort, des essences inconnues dans l’air, comme un pièce qui n’aurait pas été aérée depuis plusieurs jours.

Les cheveux sont lavés à l’éponge, les orifices naturels avec du coton et du formol.

Lucie positionne également la bouche de manière à lui faire esquisser un léger sourire, et effectue une petite ligature de celle-ci.

Elle m’explique que dans le cas des enfants, la bouche est laissée entre ouverte, l’image de ceux-ci en est plus douce, plus naturelle, et donc, moins choquante pour les familles.

Je me demande comment on peut effectuer un soin à un enfant….cette image ne passe pas le barrage mental de mon cerveau.

Je suis une maman, et je ne parviens pas à imaginer que je pourrais dépasser cette limite. Curieusement, ce métier devient cruel, voir inhumain dans mon esprit et atteint ses limites. Je peux et j’arrive manifestement à supporter et même à trouver du plaisir dans la technicité de cette profession auprès de personnes âgées ou décédées « naturellement », mais je n’arrive pas à me projeter dans le cas d’un corps d’enfant ou de jeune adulte.

Cela me renvoie à la cruauté et l’injustice de la mort qui ne devrait normalement pas se produire avant un âge avancé. Car la mort est rupture. Une rupture définitive et irréversible qui prend tout son sens dans ce qu’elle a d’insoutenable et d’inacceptable à travers ce qu’elle laisse : le corps mort de l’être aimé voué au pourrissement, au sein d’un cercueil, ou destiné à être brûlé, durant une crémation….

Je me souviens d’un adolescent décédé pendant un stage durant mes études d’aide soignante, je n’avais pas lu son dossier, mais avais simplement su qu’il avait subit une opération du cœur quelques mois avant son hospitalisation. Malheureusement, elle n’avait pas suffit à guérir son cœur très malade, et celui-ci était décédé durant ma formation. J’étais restée professionnelle, et n’avais pas montré mes sentiments dans cette chambre, j’avais rangé ses effets, ôté les fleurs, mais la présence de ce jeune défunt dans son lit, entouré de ses parents, m’avait empêché de trouver le sommeil les jours suivants. Je ne concevais tout simplement pas que l’on puisse mourir si jeune….il n’avait que 17 ans.

Je comprends maintenant que ce n’est pas l’image de son corps sans vie qui m’avait choquée, mais simplement la douleur de sa famille ; la vue de son petit frère, lui tenant la main et lui demandant de « revenir », l’incompréhension de ses parents face aux explications des médecins…et le manque d’intimité dans cet hôpital pour ses proches qui tentaient vainement d’intégrer la perte de leur enfant, de leur frère.
Face à Lucie, je réalise que je ne pourrais sans doute pas supporter d’intervenir dans le cas de jeunes défunts, pire, de nouveaux nés….mais je me rend bien compte de l’importance de cette « mise en scène » qui fera prendre son sens au rite des funérailles, le cadavre servant de support physique vers une séparation définitive.

Mes pensées fusent et Lucie est déjà à l’œuvre afin d’extérioriser l’artère carotidienne d’une incision nette et précise. S’en suit la mise en place de la canule d’injection afin d’y introduire 2 litres de formol.

http://igmarette22.cowblog.fr/images/imagesCAGNNWEV.jpgLe drainage et la ponction du corps prendront environ 30 minutes. Je commence à percevoir les effluves corporelles dont m’a parlé Lucie il y a peu, elle m’a prévenu qu’elles pourraient me gêner, et que je pourrais sortir si je me sentais mal. Ces émanations sont liées au drainage des gazs, Lucie a en effet retiré les liquides excédents et les gaz contenus dans les cavités et les organes. À l’aide d'un trocart ( tube de métal allongé avec un embout, relié à un système d' aspiration ) inséré par une petite incision pratiquée près du nombril. Cette action permet entre autres de retirer le surplus de sang, l'urine, le contenu de l'estomac, les gaz intestinaux...
Les odeurs me sont inconnues, plus fortes et plus pénétrantes que toutes celles que j’ai senties jusqu’à présent.
Lucie m’explique avec tact que l’on s’y fait, et fait un rapprochement avec mes premières toilettes en gériatrie. C’est vrai que la première fois, j’ai rêvé de pouvoir ouvrir la fenêtre et que, soins après soins, je m’y suis habituée, jusqu’à ne plus sentir ces odeurs.

http://igmarette22.cowblog.fr/images/imagesCAGRSXYS.jpgIl est maintenant temps de recoudre les incisions faites précédemment, de jeter un dernier coup d’œil et de vérifier qu’il n’y a aucun suintement sur ces dernières.
J’aide Lucie à habiller Madame Y, d’un joli tailleur gris, à remettre sa chaîne autour de son cou, une légère touche de maquillage et la coiffure, enfin, succèderont à la préparation technique du cadavre.
Je contemple le corps, et réalise les modifications apportées en 2h. Ce corps sans vie est magnifié en quelque sorte.

En effet, c’est bien l’image d’une défunte « presque vivante » qui s’offre à mes yeux, la dépouille de Madame Y pourra désormais être exposée lors de la dernière visite et des derniers hommages sans qu’aucun stigmate de sa mort ne vienne entacher le souvenir de son vivant

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